Au commencement, la terre était vide et « comme une méduse dans la mer », le dieu Izanami et la déesse Izanagi décidèrent alors de descendre sur terre pour la peupler. Mais pour cela, il fallait tout d’abord créer une terre ferme. C’est ce qu’ils firent au moyen d’une hallebarde qu’ils trempèrent dans l’océan et agitèrent en tous sens. Les gouttes tombées formèrent les îles japonaises…
Ainsi se créa le monde selon la mythologie nipponne ; les édifices et les jardins constituent autant d’éléments de cette géographie sacrée du Japon, dans le rapport intime entre monde divin, sacré, céleste et monde humain, terrestre, concret.
Le Jardin étoilé de Kinya Maruyama à Paimboeuf s’inspire d’un conte traditionnel japonais sur l’histoire d’amour entre deux étoiles. L’architecte-artiste-paysagiste japonais n’est pas seulement un adepte de la philosophie ancestrale taoïste et shintoïste ; par sa sensibilité et son interprétation toutes subjectives de la construction d’un jardin, Kinya Maruyama s’invite en défenseur d’une architecture écologique, respectueuse de l’environnement.
Sans concession, il plaide en faveur de matériaux vernaculaires naturels comme la pierre, le bambou et la terre. Contre toute logique mercantile, il développe une architecture hors du commun, luxuriante et tactile, ludique et généreuse, bruissante et subtile. Il offre une dimension sociale dynamique à l’élaboration de ses projets. Enfants, étudiants, bénévoles, chacun contribue à l’évolution perpétuelle des espaces. Partager est le maître mot de la méthodologie de cet enseignant1 fondateur, dans les années 1970, de la Team zoo, coopérative regroupant des architectes en une dizaine d’ateliers indépendants. Leur philosophie se base sur la métaphore de l’aimaimoko (le kiwi, l’oiseau qui court inlassablement), qui signifie ce qui est indifférencié, ambigu, entre deux. « Nous pensons en termes de direction, mais il ne s’agit jamais d’exclure une idée au profit d’une autre. » L’architecture n’est plus un objet stable et statique, mais un environnement en mouvement, un lieu et un moment de vie et de rencontre, où la transmission et le partage du savoir-faire sont fondamentaux.
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Note
1. Kinya Maruyama enseigne à l’université de Waseda, Arts and Architecture School, à Tokyo. En 2006, il encadre des étudiants de l’atelier international de l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble et participe aux ateliers du festival Grains d’Isère organisé par le laboratoire CRATerre-Ensag aux Grands Ateliers de l’Isle-d’Abeau. Par ailleurs, le projet lauréat de Team zoo pour le concours de l’hôtel de ville à Nago Okinawa s’est vu attribuer le prix de l’Institut des architectes japonais.
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Photo © Stéphane Bellanger
Portrait © Mai Tran – Revue 303 n° 106, “Estuaire, le paysage l’art et le fleuve”, 2009
POUR ESTUAIRE, KINYA MARUYAMA SIGNE LE JARDIN ÉTOILÉ